"Si près et pourtant si loin de la fureur du monde…
Le Moulin s’impose dans le paysage sous un ciel à peine tourmenté, comme habité d’une âme veillant sur le lieu. Cette photo à été prise il y a peu de temps. Mais elle n’a pas d’âge. Elle pourrait avoir dix, vingt, trente ans,100 ans ou plus de 200 ans.
Si cette photo avait été faite il y a presque un siècle, peut être seraient apparues lentement dans le bac du révélateur les silhouettes familières des meuniers, ployées sous le fardeau de sacs de farine ou d’une gerle lourde de lait car paysans aussi. De belles Salers,aux cornes en forme de lyre seraient allées et venues entre le Moulin,les prés et l'étable.
Et deux groins dans les soues...l'autarcie.
La mélodie des sonnailles cristallines aurait habité le silence se mêlant aux voix des hommes hélant les bêtes et au cliquetis divers et variés des roues et des meules. Qu’importe, le temps s’est écoulé inexorable, comme l’eau qui file, agile de pierre en pierre, dans le ruisseau scintillant de la vallée,"La Fonsalade". Les années ont passé et les murs aux pierres volcaniques disjointes sont aujourd’hui presque désertés, silencieux mais encore debout. Un abreuvoir gardé par des pierres très présentes,un frêne a continué à pousser tout près,et ces deux là sont unis à jamais. Les racines de l’un a pénétré la chair de l’autre pour l’éternité. Juste au-dessus de moi, un milan royal, gardien du lieu, m’a repéré depuis longtemps. Il effectue de grand cercles réguliers et je peux entendre le léger sifflement de ses ailes majestueuses fendrent le vent. Il semble veiller, sévère, à ce que je ne perturbe pas l’endroit. Nous partageons tous deux, témoins privilégiés, ce moment baigné d’harmonie où chaque chose semble à sa place. L’essentiel semble préservé: l’âme du lieu, celle du Moulin de La Gratade,intemporel qui traverse le temps, les âges et les saisons. Si près et pourtant si loin de la fureur du monde…
Patrick et Guillaume